Trop de sucre, trop de douleurs ? Le lien que vous ignorez peut-être

     L’inflammation chronique de bas grade, je vous en ai déjà parlé… Et pour cause : c’est la toile de fond de nombreuses maladies actuelles. Troubles auto-immuns, douleurs musculosquelettiques, fatigue persistante, prise de poids, diabète, neurodégénérescence… La recherche parle d’inflammaging, cette inflammation silencieuse qui s’installe avec l’âge et accélère le vieillissement.

Derrière tout ça, l’alimentation moderne — ultra-transformée, riche en sucres simples et pauvre en micronutriments essentiels — joue un rôle clé.

De nombreuses recherches ont été menées sur le sujet, mais j’ai sélectionné deux études particulièrement intéressantes qui confirment le lien entre alimentation déséquilibrée, inflammation de bas grade et douleur chronique. En voici une synthèse rapide.

  • Le sucre, ce faux allié pour nos intestins

On sait que les sucres simples (glucose, fructose), lorsqu’ils sont consommés en excès, ne se limitent pas à provoquer un simple pic glycémique.

En réalité, ils vont avoir plusieurs impacts au niveau de notre organisme :

  1. Suractivation du système immunitaire,
  2. État inflammatoire chronique
  3. Perturbation de l’équilibre de l’écosystème intestinal.

Cet écosystème intestinal, j’en avais déjà parlé dans un précédent article se compose du microbiote, de la barrière intestinale et des plaques de Peyer. Ces dernières sont des amas de follicules lymphoïdes situés dans l’intestin grêle, qui jouent un rôle clé dans la détection des agents pathogènes et l’activation locale du système immunitaire. On estime que jusqu’à 80-85% des cellules immunitaires du corps sont localisées dans le système immunitaire intestinal, ce qui illustre l’importance majeure de cet organe dans la régulation immunitaire. En clair, perturber notre écosystème intestinal n’est jamais une bonne idée. Et pour bien comprendre l’enjeu, sachez que plus de 95 % de notre sérotonine est produite au niveau de l’intestin. Or, la sérotonine joue un rôle essentiel dans la gestion de la sérénité et du bien-être, mais aussi dans la modulation des douleurs chroniques.

«  Entre 80 et 85 % de notre immunité se trouve au niveau intestinal, tout comme environ 95 % de la production de sérotonine.

L’étude observationnelle de Ma et ses collaborateurs a montré qu’une alimentation riche en produits sucrés et ultra-transformés est associée à une hausse du risque de pathologies inflammatoires comme :

  • polyarthrite rhumatoïde
  • maladies inflammatoires de l’intestin (MICI)
  • sclérose en plaques
  • psoriasis
  • inflammation chronique de bas grade

Voici ce que l’on peut retenir de cette étude sur l’impact du sucre :

1. Activation du système immunitaire (macrophages M1 notamment) :

Les macrophages pro-inflammatoires, dits M1, sont des cellules de l’immunité innée activées dans un contexte défensif.  Ils réagissent à certains signaux, comme l’interféron gamma, produit notamment par les lymphocytes T ou les cellules NK en cas d’infection, ou encore au lipopolysaccharide (LPS), un composant de la paroi de certaines bactéries.
Une fois activés, ces macrophages sécrètent des cytokines pro-inflammatoires majeures comme le TNF-α, l’IL-6 et l’IL-1β. Ces messagers jouent un rôle clé dans le déclenchement, l’amplification et la coordination de la réponse inflammatoire

En résumé, un excès de sucre, notamment de fructose et de sucres simples, peut activer certaines cellules immunitaires (les macrophages M1), qui libèrent alors des substances inflammatoires. Celles-ci attirent d’autres cellules de défense, stimulent la production de protéines pro-inflammatoires et accentuent la sensation de douleur. Ce processus contribue directement à l’inflammation chronique.

2. Dysbiose intestinale :

La consommation excessive de sucres réduit les populations de bactéries bénéfiques, notamment celles qui produisent du butyrateun acide gras essentiel à la santé intestinale et en particulier du côlon. En parallèle, elle favorise la prolifération de pathobiontes, des bactéries potentiellement nuisibles qui contribuent à l’inflammation.

3. Stress oxydatif et glycation :

Les sucres favorisent la formation d’AGEs (produits de glycation avancée), des molécules qui s’accumulent dans les tissus et déclenchent une inflammation persistante en activant des récepteurs appelés RAGE, ce qui amplifie le stress oxydatif et les réponses inflammatoires. Pour faire simple, le stress oxydatif fragilise les cellules et accélère leur vieillissement.

De plus, selon l’étude Nurses’ Health Study, boire plus d’une boisson sucrée par jour est associé à une augmentation de 63 % du risque de développer une polyarthrite rhumatoïde.

Autre constat : chez les patients atteints de sclérose en plaques, un régime alimentaire pro-inflammatoire – notamment riche en sucres simples – est associé à une aggravation des symptômes.

On comprend donc que l’alimentation peut moduler l’évolution d’une maladie, soit en entretenant, soit en réduisant l’état inflammatoire de fond. Et dans ce processus, les sucres, en particulier les sucres simples, jouent un rôle central.

  • Douleurs et sucrerie

La revue systématique de Wang et de ses collaborateurs a passé en revue 52 études, incluant plus de 10 000 patients américains souffrant de fibromyalgie, d’arthrose, de lombalgies ou de polyarthrite.

Les patients ayant une alimentation riche en calories, sucres et graisses saturées présentent :

  • une douleur plus intense
  • un seuil de douleur plus bas
  • une qualité de vie réduite

Et à l’inverse, un bon statut micronutritionnel améliore la perception de la douleur.

Pour faire simple, l’alimentation méditerranéenne reste une valeur sûre : riche en légumes, fruits, légumineuses, céréales complètes, huile d’olive, poisson et herbes aromatiques.

Selon ces chercheurs, l’alimentation inadaptée ne serait pas le seul facteur en jeu. L’hygiène alimentaire est cruciale, mais d’autres éléments comptent tout autant pour la santé. Le manque d’activité physique et une mauvaise gestion psycho-émotionnelle jouent aussi un rôle important. Pour ma part, je n’emploierais pas le conditionnel car j’en suis convaincu. L’hygiène de vie doit être globale. Tout ne se résume pas à l’alimentation.

D’autres études avaient montré qu’une carence en vitamine D est associée à une hypersensibilité nociceptive (donc plus de sensibilité à la douleur), tandis que des apports insuffisants en magnésium, zinc, sélénium et vitamines B perturbent la fonction mitochondriale et majorent le stress oxydatif. Ce stress, couplé à l’inflammation, contribue à la sensibilisation centrale, mécanisme clef dans les douleurs chroniques telles que la fibromyalgie.

Dans ce court article, je me suis concentré sur l’impact du sucre dans les douleurs et l’inflammation chronique. Dans un prochain article, on parlera d’autres coupables, qu’ils soient alimentaires ou pas.

Restez en bonne santé et restez en forme !

Philippe France – Supernaturo

 

Bibliographie :

Ma, X., Nan, F., Liang, H., Shu, P., Fan, X., Song, X., Hou, Y., & Zhang, D. (2022). Excessive intake of sugar : An accomplice of inflammation. Frontiers In Immunology, 13. https://doi.org/10.3389/fimmu.2022.988481

Plotnikoff, G. A., & Quigley, J. M. (2003). Prevalence of Severe Hypovitaminosis D in Patients With Persistent, Nonspecific Musculoskeletal Pain. Mayo Clinic Proceedings, 78(12), 1463‑1470. https://doi.org/10.4065/78.12.1463

Wang, Y., Tang, Y., Li, Z., Jiang, C., Jiang, W., & Hu, Z. (2024). Sugar-sweetened beverage intake and chronic low back pain. Frontiers In Nutrition, 11. https://doi.org/10.3389/fnut.2024.1418393

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.