Comment bien associer ses aliments ? La théorie    

Dans cet article dédié à la nutrition, je parlerai de combinaison alimentaire, d’association ou de dissociation d’aliment.
Dans une première partie, je ferais un bref rappel de physiologie digestive indispensable pour comprendre la théorie derrière la notion de combinaison alimentaire.
Ensuite, je rentrerais dans le vif du sujet, en définissant les associations alimentaires selon l’hygiéniste américain Herbert Mcgolfin Shelton. Je présenterai également rapidement un tableau récapitulatif réalisé par le naturopathe Désiré Mérien.
Enfin j’évoquerais les avantages et les inconvénients d’une telle dissociation alimentaire. Est-elle applicable à tous ?

1 – Notion de base de physiologie digestive

2 – Les combinaisons alimentaires selon Shelton

3 – En bref

  • Notion de base de physiologie digestive

Le phénomène de digestion peut se décomposer en 3 phases afin de mieux comprendre son déroulement.

1/ Phase buccale

Cette étape très souvent oubliée de tous est pourtant primordiale pour plusieurs raisons. Elle se comporte de 3 grandes fonctions.

 Fonction mécanique

Cette fonction semi-volontaire est réalisée par la mastication du bol alimentaire mis en bouche.
– Les dents permettent de broyer les aliments afin d’offrir le plus de surface possible avec les enzymes salivaires. Bien entendu, le broiement des aliments permet également de diminuer la taille du bol alimentaire à déglutir.
– La langue déplace le bol alimentaire en arrière de la bouche afin d’être prêt pour la déglutition (acte réflexe ou volontaire).

Fonction sécrétoire

Cette fonction réflexe est la sécrétion de salive dans la cavité buccale via les différentes glandes salivaires que nous possédons. Le phénomène de sécrétion salivaire est si important que la nature nous a doté de plusieurs glandes capables de produire et de sécréter de la salive :

[6 glandes principales] :

– 2 glandes parotides qui sécrètent essentiellement une salive séreuse (liquide)
– 2 glandes sublinguales qui sécrètent essentiellement une salive muqueuse (visqueuse)
– 2 glandes submandibulaires qui sécrètent une salive séromuqueuse

[Glandes accessoires] :

De très petites tailles, on les trouve disséminés dans la cavité buccale, sur les lèvres, le palais, l’intérieur des joues etc.
Elles permettent essentiellement de maintenir une certaine humidité au sein des structures anatomiques de la cavité buccale.

En moyenne, 0.5 ml de salive est produite est produite toutes les minutes, soit environ 500 à 1500 ml par jour.

La salive se compose essentiellement de :

– environ 99% d’eau ;
– des électrolytes (sodium, potassium, calcium…) ;
– des protéines (notamment des anticorps et des lyzozymes (antibactériens)) ;
– un facteur de croissance pour l’épiderme (EGF) qui permet de favoriser la cicatrisation ;
– des enzymes qui dégradent les graisses (lipase salivaire), les amidons (ptyaline ou amylase salivaire) et certains types de sucre. A noter que la ptyaline ne fonctionne plus à pH acide .

La fonction sécrétoire a pour rôle :

– d’hydrater le bol alimentaire afin de faciliter sa déglutition (eau) ;
– de débuter la dégradation de certains nutriments (graisse, amidon et sucre) ;
– de favoriser un environnement buccal sain (anticorps, lysozymes, EGF).

Fonction informationnelle

Sans rentrer dans le détail de la physiologie nerveuse de la digestion, voici ce qu’il faut retenir :

– Les bourgeons gustatifs présents sur nos papilles gustatives permettent au cerveau d’interpréter le goût des éléments mis en bouche ;
– Les récepteurs mécaniques et chimiques de notre cavité buccale informent le cerveau de la présence d’aliment dans la bouche ce qui permet d’initier la libération de suc gastrique et donc de préparer la digestion ;
– La durée de mastication impacte positivement la satiété. Plus on mastique, moins on a faim.

2/ Phase gastrique

Cette étape est souvent celle que l’on retient le plus lorsque l’on parle de la digestion. L’organe maitre de cette étape est bien entendu l’estomac. Cet organe comporte 3 fonctions principales :

Fonction sécrétoireLa phase gastrique de la digestion est une étape clé à ne pas négliger

Cette fonction très importante régulée par le système nerveux, le contenu gastrique (la nature des aliments) et par la distension de l’estomac. Elle permet la libération de différentes enzymes et autres substances nécessaires à la digestion :

– Sécrétion de pepsinogène (qui est le précurseur de l’enzyme pepsine. Elle est activée par l’acide chlorhydrique HCL et s’inactive à pH basique) ;

– Sécrétion d’acide chlorhydrique (HCL) qui permet d’activer le pepsinogène, de débuter la dégradation des protéines, de maintenir un environnement pauvre en bactéries néfastes et de stimuler la sécrétion pancréatique ;

– Sécrétion de lipase gastrique qui dégradent les triglycérides (graisses), réalise l’émulsification des graisses, permet un apport énergétique rapide (via l’absorption de lipide à travers la muqueuse gastrique) et favorise la suite de la dégradation lipidique via la lipase pancréatique. Elle résiste à l’acidité gastrique ;

– Sécrétion du facteur intrinsèque (nécessaire pour absorber la vitamine B12) ;

– Sécrétion de mucus qui protège les parois gastriques contre l’acidité.

Fonction endocrine

– Sécrétion de l’hormone gastrine (qui stimule le « brassage gastrique » ainsi que la sécrétion d’HCL et de lipase gastrique) lorsque la partie basse de l’estomac devient trop basique ou qu’elle se dilate ;
– La sécrétion de gastrine est également stimulée par la présence de protéine et autres éléments aminés.

Fonction mécanique

Sans rentrer dans le détail de la motilité gastrique qui est complexe, il faut retenir que :

– L’estomac est composé d’une partie haute considérée souvent comme une zone de stockage du bol alimentaire. On parle d’estomac proximal (composé du fundus et du corps) et d’une partie basse : l’estomac distal (composé de l’antre et du pylore qui est la porte de sortie gastrique et le lien avec l’intestin grêle) ;

– Pour schématiser, lorsque la partie proximale de l’estomac (réservoir) atteint un certain seuil de remplissage, le bol alimentaire est brassé puis est lentement dirigé vers l’antre gastrique afin d’être évacué dans l’intestin grêle. Ce brassage est stimulé par différent éléments nerveux et endocriniens dont la sécrétion de gastrine ;

– Le bol alimentaire ayant subi le brassage et l’action du suc gastrique est appelé chyme.

3/ Phase intestinale

Encore une fois, je ne rentre pas dans les détails, d’autant plus qu’il s’agit de la phase la plus complexe de la digestion – absorption. Ce qu’il faut retenir :

– La première étape de cette phase intestinale est la sécrétion de bile (le foie produit 0.5 a 1 L de bile par jour et la stocke dans la vésicule biliaire) qui permet de diminuer l’acidité du chyme, d’émulsifier les graisses afin qu’elle soient plus facilement attaquables par les enzymes pancréatiques et de favoriser l’absorption des lipides par la muqueuse intestinale. Cette étape n’est réalisée que si le chyme contient des lipides alimentaires ;

– Le pancréas sécrète des enzymes qui dégradent les protéines et les acides aminés mais aussi les amidons (amylase pancréatique), les lipides (lipase pancréatique) et les nucléotides (ADN contenu dans les aliments). Les enzymes pancréatiques ne fonctionnent pas à pH acide ;

– Les parois intestinales possèdent à leurs surfaces des enzymes dégradant les résidus de sucres (ex : lactase qui dégrade le lactose du lait) déjà hydrolysés par l’amylase pancréatique. On peut dire qu’elles terminent le travail de l’amylase du pancréas ;

– Une fois que le contenu du chyme a été totalement hydrolysé (attaqué par les enzymes), les nutriments et micronutriments restants peuvent être absorbés :

Les nutriments absorbés passent par différentes voies selon leur nature

  • Les combinaisons alimentaires selon Shelton

Né en 1895, Herbert McGolphin Shelton, naturopathe, grand défenseur et spécialiste du jeûne fonda son « école de santé » chez lui en Amérique. Auteur prolifique de près d’une vingtaine d’ouvrage de santé naturelle, il est surtout connu pour ses écrits sur le jeûne et sur les combinaisons alimentaires.
Voici les différentes combinaisons alimentaires indigestes selon le livre « les combinaisons alimentaires et votre santé » de H.M.Shelton. (ndlr :J’y ai rajouté mes propres remarques afin de compléter éventuellement les règles de Shelton):

[Amidon + Acide]

– La ptyaline (enzyme

salivaire dégradant l’amidon) est inactive à pH acide.
– « 2 cuillerées de vinaigre renferment assez d’acide acétique pour suspendre entièrement la digestion salivaire selon Dr. Percy Howe de Harvard ».
– « Les acides des fruits suffisent à détruire la ptyaline de la salive et donc à suspendre la digestion des amidons ».

Remarques :

– La Food and Drug Administration des Etats Unis a publié il y a des années une liste représentant les pH moyens des aliments les plus courant. Cliquez ici pour y avoir accès.
– En 1972, le « Manual of Clinical Enzyme Measurements » a publié des travaux sur les pH optimaux de certaines enzymes.

Ci-dessous, Tableau inspiré du tableau original du site Worthington Biochemical Corporation :

pH enzyme digestive

Ici, le rouge est très acide (≈ 1.5), l’orange est à pH acide (≈ 4.5), le vert foncé est basique (≈ 8), et le vert clair est neutre à acide (≈ 6.5)

L’amylase salivaire fonctionnerait donc à un pH acide mais pas très acide. Ceci est intéréssant car au niveau des fruits, il en existe des :

Les fruits sont classés selon leur acidité

Pour cet hygiéniste, les fruits acides doivent êtres consommés seuls ou potentiellement avec des fruits semi- acides, des graisses, voire des complexes graisses / protéines tels que le fromage, les noix ou le lait frais.

Les fruits semi-acides doivent êtres consommés seuls, ou potentiellement avec des fruits acides ou doux , voire des graisses.

Les fruits doux doivent êtres consommés seuls, ou potentiellement avec des fruits semiacides ou des graisses. Il rajoute que les personnes à forte capacité digestive (tempérament sanguin) peuvent éventuellement associer fruits doux ou séchés avec protéines ou amidons.

[Amidon + Protéine]

Le mélange amidon et protéine est indigeste selon Shelton

– Shelton nous dit : « Selon le physiologiste Stiles, la ptyaline est extrêmement sensible à l’acide ; la forte acidité du suc gastrique (ndlr : nécessaire à la digestion des protéines) ne peut donc qu’arrêter la digestion salivaire dans l’estomac. »

– Il rajoute que selon le Dr.Edward Howell : « la mastication devrait imbiber complètement les aliments de salive, mais le bol alimentaire est avalé beaucoup trop vite pour que l’enzyme salivaire puisse achever son action. »

[Acide + Protéine]

– les acides s’opposent à la digestion des protéines en empêchant le déversement du suc gastrique.
– « en empêchant le flux de suc gastrique que réclame impérieusement la digestion des protéines, les fruits acides contrecarrent fortement cette digestion, et il en résulte de la putréfaction. »

Remarques :

En 1982, MC Arthur et ses collègues ont étudié l’ingestion de plusieurs types de boissons (café, cola, lait et bière) chez des humains en bonne santé. Ils n’ont observé aucune corrélation entre le contenu en caféine, l’osmolalité, le contenu calorique, la présence de calcium et le pH et la sécrétion d’HCL par les cellules pariétales de l’estomac.

 [Graisse + Protéine]

Le mélange protéine et graisse est indigeste selon Shelton

– Shelton cite McLeod (dans « Médecine moderne et physiologie ») : « on a démontré que les graisses inhibent d’une manière spéciale les sécrétions de suc gastrique. »

– La présence de graisse abaisserait également la quantité de sécrétion chimique (diminution de la quantité de pepsine et d’HCL dans le suc gastrique) et diminuerait de 50% la motilité gastrique. Ces effets dureraient 2h après ingestion de la graisse.

Remarques :

– En 1962, Colin W et ses collègues expriment, suite à leur recherche, le fait que la présence de graisse dans le duodénum et l’intestin grêle supprimerait jusqu’à 50% de la sécrétion de suc gastrique (en bloquant les récepteurs pour la gastrine). Cette inhibition arriverait 10 minutes après l’ingestion de la graisse et durerait de 90 à 120 min (comme l’exprime McLeod).

– Plus récemment, les chercheurs ont montré que l’ingestion de graisse stimulait la production de 3 hormones intestinales :

-> le peptide inhibiteur gastrique ou peptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP) stimule la production d’insuline et inhibe la sécrétion de suc gastrique

-> Le Peptide VasoIntestinal (VIP) stimule l’excrétion d’eau et d’électrolyte dans le tube digestif et inhibe la sécrétion de suc gastrique (en inhibant la production de gastrine)

-> La cholécystokinine (CCK) stimule la sécrétion des enzymes pancréatiques et inhibe la production de gastrine (GJ. Dockray et al. Gastrin and gastric epithelial physiology)

[Sucre+ Protéine]

Le mélange protéine et sucre est indigeste selon Shelton

– Selon Shelton, tous les sucres inhibent la sécrétion du suc gastrique et l’activité motrice de l’estomac.

– Il rajoute que les sucres sont digérés dans l’intestin et non pas dans l’estomac. Associer les sucres avec les amidons ou les protéines contribuent à les faire demeurer un certain temps dans l’estomac ce qui provoque leur fermentation.

Remarques :

Je n’ai pas trouvé d’études montrant que les sucres inhibaient directement la sécrétion de suc gastrique. En revanche, nous avons vu précédemment que le GIP inhibait la sécrétion de suc gastrique. Or le GIP est stimulé par l’ingestion de sucre. De là à faire une conclusion hâtive. A voir…

– En ce qui concerne la fermentation des sucres DANS l’estomac. Cela me semble peu probable à cause du milieu acide (HCL du suc gastrique) qui détruit les bactéries. Or pour que fermentation ait lieu, il faut au minimum des bactéries et du sucre.

Toutefois, certaines études tendent à montrer qu’ils existeraient des bactéries gastriques malgré l’environnement acide. Les personnes sujettes à l’hypochlorhydrie (pas assez d’HCL dans l’estomac) seraient donc logiquement plus à même de fermenter les fruits dans l’estomac…

[Sucre+ Amidon]

Le mélange amidon et sucre est indigeste selon Shelton

– Selon Shelton : « le fait de prendre du sucre libère un flot de salive ; mais cette salive ne contient pas de ptyaline puisque la ptyaline n’agit pas sur le sucre. »

– Ainsi, il rajoute : « que l’amidon soit recouvert d’une enveloppe sucrée, c’est assez pour empêcher l’adaptation de la salive à la digestion de l’amidon. »

Remarques :

– Encore un fois, je n’ai pas trouvé d’études en rapport avec les propos de Shelton concernant la digestion du sucre et de l’amidon.

  • En bref

Dans cet article, je vous ai présenté les différentes combinaisons alimentaires selon Shelton et les théories sous-jacentes associées. Parfois, celles-çi sont validées par l’expérimentation scientifique, et d’autrefois non.

Libre à vous d’expérimenter ce type de régime sur 1 , 2 ou 3 semaines après avoir au préalable demandé conseil à votre naturopathe. En effet, comme vous le verrez dans la seconde partie de cet article, le régime dissocié de Shelton présente des avantages mais aussi des risques à ne pas négliger. Essayer ce type de régime seul chez soi peut être risqué lorsque le terrain vital notamment n’a pas été étudié et pris en compte. 

Je vous retrouve sur la seconde partie de cet article en cliquant ici.

Bibliographie:

Bridget A Cassady and al. Mastication of almonds : effects of lipid bioaccessibility, appetite and hormone response. The American Journal of Clinical Nutrition. 2009

http://www.worthington-biochem.com/introbiochem/effectspH.html
 
K.Mc Arthur and al. Relative Stimulatory Effects of Commonly Ingested Beverages on Gastric Acid Secretion in Humans. Gastroenterology. 1982.
 
DJ.hentges. Human intestinal microflora in health and disease. 2012.
 
Colin W et al. Inhibition of gastric secretion in man by intestinal fat infusion. Gut. 1969.
 
J Schirra et al. Gastric emptying and release of incretin hormones after glucose ingestion in humans. The American Society for Clinical Investigation. 1996.
 
 
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