L’échauffement en culture physique

     Pour la plupart d’entre vous, l’idée de s’échauffer avant de s’engager dans une activité physique, qu’elle soit axée sur l’endurance ou la force, semble évidente. Cependant, prenez-vous réellement le temps de préparer adéquatement votre corps à l’effort à venir ? Maîtrisez-vous véritablement les techniques d’échauffement ? Et êtes-vous conscients des multiples bienfaits que cela peut apporter ?

  • Mes observations

Je suis une personne très observatrice par nature, il s’agit probablement de mon tempérament neuro-arthritique qui ressort. Avec plus de 20 ans d’expérience dans l’entraînement, dont environ 15 années en salle, j’ai pu remarquer que la majorité des pratiquants ne s’échauffaient pas correctement, voire pas du tout.

Bien que je n’aie évidemment pas de statistiques précises en tête, il me semble que les pratiquants débutants, en général, accordent moins d’importance à l’échauffement. De même, j’ai remarqué que les pratiquants plus âgés sont souvent moins enclins à s’échauffer. Quelles pourraient être les raisons derrière ces comportements ?

  • Pourquoi l’échauffement est-il souvent négligé ?

Ma première hypothèse est que pour certains, l’entraînement en salle n’est pas considéré comme une activité physique à part entière, mais plutôt comme un moyen de se détendre, de socialiser avec des amis tout en bougeant un peu, ce qu’ils estiment être bénéfique pour leur santé. Ils ne prennent donc pas leur entraînement, et par extension leur échauffement, au sérieux.

Ma deuxième hypothèse est que certains pratiquants n’ont pas les connaissances nécessaires pour élaborer un protocole d’échauffement pertinent et efficace. Ils ne voient pas l’utilité de l’échauffement et ne sont pas suffisamment intéressés par le domaine des sciences du sport et de l’activité physique pour approfondir leurs connaissances à ce sujet.

Ma troisième hypothèse est que les débutants et les personnes âgées peuvent penser que l’échauffement est inutile lorsqu’ils utilisent des charges légères. Cependant, cette croyance est erronée. La capacité d’un individu à déplacer une charge dépend largement de ses capacités neuromusculaires. En réalité, aucune charge n’est véritablement lourde ou légère de manière objective.

Par exemple, 15 kg pour un débutant pourrait être considéré comme une charge lourde, tandis que pour un pratiquant chevronné, ce serait à peine un échauffement.

Pour un débutant, ces 15 kg représentent déjà une tension mécanique significative au niveau des structures tendino-musculaires. En revanche, un pratiquant expérimenté ne pourrait ressentir une sensation similaire qu’avec une charge bien plus élevée.

C’est pourquoi, en culture physique, nous utilisons souvent la notion de pourcentage de RM (Répétition Maximale). Cela permet d’évaluer l’intensité de l’exercice en fonction des capacités individuelles.

Par exemple, chez un débutant capable de soulever 15 kg une fois, utiliser une charge de 12 kg et la soulever 6 à 7 fois équivaut à travailler à environ 80 % de son RM, ce qui représente une intensité élevée.

En revanche, pour un pratiquant expérimenté soulevant 60 kg une fois, utiliser une charge de 15 kg équivaut à travailler à environ 25 % de son RM, ce qui représente une intensité faible.

« Ainsi, il est important de ne pas se fier uniquement à la masse objective de l’haltère ou au nombre de plaques sur la machine, mais plutôt à son propre ressenti et à l’intensité de l’exercice. »

En conclusion, pour un débutant, une charge de 15 kg peut être considérée comme lourde et peut entraîner des blessures s’il ne s’échauffe pas correctement.

Ma dernière hypothèse est que les pratiquants qui ne s’échauffent pas agissent ainsi par peur de se fatiguer avant l’effort. Ils pourraient avoir raison si et seulement si leur protocole d’échauffement est mal conduit avec par exemple une intensité trop importante.

  • A quoi sert l’échauffement ?

Pour Weineck, « l’échauffement comprend toutes les mesures qui permettent d’obtenir un état optimal de préparation psycho-physique et motrice avant un entrainement ou une compétition, en plus de jouer un rôle important dans la prévention des blessures ».

Cette définition de 1990 est toujours d’actualité malgré plusieurs décennies de recherche scientifique. Des études ont en effet montré que l’échauffement permettait de :

Favoriser une contraction musculaire plus rapide et une relaxation plus rapide à la fois des muscles agonistes et antagonistes (ex : pectoraux/dorsaux)

Contribuer à des améliorations de la vitesse de développement de la force et du temps de réaction.

Stimuler l’amélioration de la force musculaire et de la puissance.

Réduire la résistance visqueuse dans les muscles (donc moins de raideurs).

Faciliter la distribution d’oxygène grâce à l’effet Bohr, où des températures plus élevées permettent une libération plus efficace d’oxygène de l’hémoglobine et de la myoglobine.

Augmenter le flux sanguin vers les muscles actifs.

Améliorer les réactions métaboliques (donc l’utilisation d’énergie).

L’échauffement comme le décrit Weineck dans sa définition, permet également de se préparer mentalement à l’activité à venir. Moins d’appréhension et de stress (compétition) et amélioration de la commande motrice et donc de la qualité du geste. J’y reviendrais dans un autre article.

  • Utilisez la méthode RAMP pour vos échauffements

En préparation physique il est courant de baser l’échauffement de ses athlètes selon le protocole développé par Ian Jeffreys, à savoir le protocole RAMP.

Cet acronyme pourrait se traduire par plusieurs étapes successives :

Raise = élever, augmenter :

Crunch

Le but de cette phase est d’élever la température corporelle, notamment celle des muscles. Nous cherchons également à augmenter la fréquence cardiaque, la respiration, le flux sanguin et la viscosité du liquide synovial articulaire.

Pour cela, vous devez pratiquer une activité peu intense pendant environ 5 à 10 minutes. Vous pouvez faire du vélo, du tapis ou du rameur, bien entendu. Une autre option proposée par Gundill consiste à réaliser une série de crunchs au poids du corps sans temps de repos. Si vous n’arrivez vraiment pas à faire cet exercice pendant 10 minutes sans interruption, je vous invite à alterner des séries de crunchs réalisées jusqu’à l’échec avec des séries de demi-squats ou d’exercices talons-fesses (courez sur place en touchant vos fesses avec vos talons).

La gestion de la température corporelle est très complexe. Le but de cette phase est d’augmenter cette température. Mais pas excessivement, car cela est contre-productif pour la performance surtout d’endurance, c’est-à-dire aérobie.

La hausse de température va favoriser :

  • Une libération accrue de O2 des hémoglobines et des myoglobines musculaires. Donc plus d’oxygène dans les muscles actifs ;
  • La dégradation de la créatine phosphate et donc de l’activité anaérobie (force) ;
  • La fonction métabolique des muscles;
  • La contractilité des muscles et la conduction nerveuse (donc la bonne exécution du geste et activation des muscles) ;
  • La glycolyse anaérobie (dégradation du glucose en énergie utilisable par le muscle ainsi qu’en lactate et proton) ;
  • L’extensibilité du tendon et des tissus conjonctifs associés aux muscles.

En revanche, si la température corporelle et musculaire est trop basse, cela favorise la co-activation des muscles agonistes et antagonistes.

Par exemple, lors de mouvements visant les pectoraux, cela peut entraîner une activation involontaire des dorsaux.

Il s’agit d’un mécanisme de protection développé par l’organisme pour réduire le risque de blessures. Cependant, cela s’accompagne d’une diminution de la vitesse des mouvements et des performances. Il a également été observé une ischémie cardiaque (anormale) lors de courses à pied rapides de 10 à 15 secondes sans échauffement préalable. Cela ne nuirait pas à la performance mais je ne pense pas que cela soit très bénéfique pour le cœur…

Ainsi, vous devez adapter votre échauffement en fonction du type d’activité physique prévue et surtout de la température ambiante dans laquelle vous allez évoluer. Dans un environnement chaud, comme une salle surchauffée ou en plein été à l’extérieur, vous n’aurez probablement pas besoin de consacrer 5 à 10 minutes à une activité légère. Vous pourriez éventuellement sauter cette étape RAISE.

En revanche, en hiver ou dans une pièce froide, vous devrez peut-être viser 15 à 20 minutes pour réellement augmenter votre température corporelle. Vous pouvez même utiliser le chauffage de votre voiture au maximum en hiver pour essayer de vous réchauffer avant l’entraînement. Gardez à l’esprit que plus vous êtes frigorifié en arrivant à la salle ou sur votre lieu d’entraînement, plus la phase d’échauffement devra être prolongée.

 

Activate = activer

Au cours de cette phase, vous effectuerez des exercices de mobilisation articulaire adaptés à l’entraînement à venir. L’objectif est de travailler chaque articulation de manière lente, contrôlée et surtout dans une amplitude de mouvement complète. Je réaliserai une vidéo pour vous présenter quelques mouvements simples que vous pourriez réaliser. En ce qui concerne les articulations à échauffer, voici un résumé simple de celles que vous devez prendre en compte en fonction des muscles que vous allez solliciter lors de votre séance :

Pectoraux et dorsaux : articulation cervicale (cou), coudes, poignets, épaules, colonne vertébrale thoracique (enroulement suivi par une ouverture prononcée de la cage thoracique en bombant le torse),

Rajoutez pour la séance des dorsaux la colonne vertébrale lombaire (enroulement lent et progressif du bas du dos et remontées tout aussi lente).

Biceps / triceps et deltoïdes (épaules) : articulation cervicale (cou), coudes, poignets, épaules

Abdominaux : Articulation cervicale (cou), colonne vertébrale thoracique et lombaire

Cuisses quadriceps / ischios / fessiers : Articulation cervicale (cou), épaules, poignets, chevilles, genoux, hanche (ouverture fermeture cuisse), bassin (membres inférieurs statiques, fesses contractées, faites des rotations du haut du corps pour alterner entre enroulement léger puis et auto-agrandissement en tirant le nombril vers le haut et l’arrière), colonne vertébrale thoracique et lombaire

Mollets : cheville, genoux

Pour chaque articulation, effectuez 2 séries d’environ 10 à 15 mouvements sans temps de repos. Cela peut sembler beaucoup en théorie, mais en pratique cela ne vous prendra pas plus de 2-3 minutes.

Mobilize = Mobiliser

Dans cette phase d’échauffement, vous devez privilégier les étirements dynamiques plutôt que les étirements statiques habituels, tels que ceux que vous avez probablement tous pratiqués lors de vos cours d’EPS au collège. Ici aussi, je prévois de réaliser une vidéo dédiée, même s’il en existe un très grand nombre sur la toile.

Pour simplifier, disons que les étirements dynamiques consistent essentiellement à reproduire les mêmes mouvements qu’en entraînement, mais sans charge et en utilisant une amplitude maximale. On observe ainsi beaucoup de rotations et de balancements fluides, mais toujours sous contrôle.

Là encore, vous devez logiquement mobiliser les muscles agonistes ET synergiques qui vont intervenir au cours de votre séance :

Pectoraux : Pectoraux, deltoïdes, coiffe des rotateurs, biceps, triceps, avant-bras

Dorsaux : Totalité du dos (trapèzes, grand dorsal, muscle de la ceinture scapulaire, lombaires), coiffe des rotateurs, deltoïdes, biceps, triceps, avant-bras

Biceps – triceps : Eux-mêmes, avant-bras, deltoïdes (si mouvement de triceps effectués au-dessus de la tête)

Deltoïdes : Eux-mêmes (rotation, élévations antérieures et latérales sans charge), coiffe des rotateurs, avant-bras, biceps, triceps

Cuisses quadriceps / ischios / fessiers : Totalité du dos, avant-bras, biceps (si travail de tirage à partir du sol), mollets, fessiers

Potentiate : potentialiser

Le but de cette phase est de préparer les centres de contrôle et les voies nerveuses à l’activité. On cherche ainsi à améliorer la conduction nerveuse et l’activation musculaire et donc par extension la performance.

  • Vous pouvez opter pour des mouvements de plyométrie, donc des exercices explosifs comme les squats ou les fentes sautées, les sauts sur boîte, ou encore l’utilisation de médecine ball ou de kettlebell léger.
  • Une autre option serait d’utiliser des charges légères pour préparer vos muscles à l’exercice à venir. C’est généralement l’option choisie par les pratiquants de culture physique. En préparation physique ou éventuellement en crossfit, la première option est plus fréquemment utilisée.

Par exemple, si vous prévoyez de débuter votre séance par un tirage vertical pour le dos et que vous avez l’habitude de soulever 80 kg pour 8 répétitions maximum, vous devrez choisir d’utiliser des poids plus légers pour l’échauffement. Vous pourriez donc faire une série avec 30 kg pour 15 répétitions, suivie d’une série à 50 kg pour 10 répétitions, puis une série à 75 kg pour 8 répétitions. Cela fera donc 3 séries « d’échauffement ».

Ensuite, une fois que vous vous sentez prêts, vous pourrez passer aux séries effectives.

On me demande souvent combien de séries d’échauffement réaliser. Je dirais que cela dépend de plusieurs facteurs, notamment de la température de la pièce ou de l’environnement dans lequel vous vous trouvez, de la température de votre corps et surtout de vos muscles, ainsi que de votre niveau d’énergie et de motivation.

Parfois, je réalise plus de trois séries d’échauffement car je ne me sens pas prêt pour les séries effectives. La charge me semble plus lourde qu’à l’accoutumée.

  • A propos de la phase de mobilisation

Nous savons depuis plusieurs années que les étirements statiques réalisés avant un entrainement sont inutiles pour la performance voire selon certaines études, contre productifs car ils refroidiraient les muscles et leurs structures annexes. Les étirements dynamiques en revanche améliorent le flux sanguin local ainsi que la vitesse de conduction nerveuse. En clair, ils favorisent la performance.

Plusieurs équipes de chercheurs ont démontré que l’utilisation d’un rouleau de massage avant la pratique des étirements dynamiques favorise l’amplitude des mouvements surtout chez les hommes (les femmes ayant de base une amplitude plus importante), mais n’a pas d’impact direct sur la performance sportive. Cet effet est renforcé lors de l’utilisation de rouleaux de massage vibrants.

Les protocoles recommandés consistent en 3 séries de 30 secondes de roulement sur la zone musculaire concernée. Comme l’utilisation du rouleau peut être douloureuse, il est conseillé de maintenir une intensité de douleur entre 5 et 7 sur une échelle de 10. Les rouleaux de massage ont également d’autres vertus lorsqu’ils sont utilisés en dehors de l’entraînement, telles que la réduction des tensions musculaires, la réduction des douleurs (action sur les triggers points notamment) et l’amélioration de la souplesse par la réduction de la raideur musculaire.

Les étirements statiques sont à privilégier les jours où vous ne vous entraînez pas. Ils visent à améliorer votre souplesse.

Les étirements statiques ne doivent jamais durer plus de 30 secondes ni moins de 20 secondes.

Les étirements dynamiques sont à privilégier pendant la phase d’échauffement (mobilisation). Ils doivent être contrôlés, fluides, mais non explosifs.

Effectuez 3 séries de 8 à 12 répétitions d’étirements dynamiques et réalisez entre 3 et 8 exercices en fonction des groupes musculaires ciblés.

Si vous avez le temps, utilisez un rouleau de massage avant vos étirements dynamiques à raison de 3 séries de 30 secondes par zone musculaire cible. Surtout si vous êtes un homme.

En bref :

L’échauffement constitue une étape cruciale de l’entraînement, peu importe le niveau du pratiquant.

Avant de commencer, il est important de prendre en compte la température de votre corps, qui dépend évidemment de l’environnement dans lequel vous évoluez. Dans un environnement froid, il sera d’autant plus important d’augmenter la température corporelle par le biais d’une activité légère comme le vélo, le tapis roulant ou le rameur, tout en veillant à ne pas dépasser 60% de votre fréquence cardiaque maximale (soit environ 50 à 60 % de votre VO2 max). Vous pouvez également effectuer des mouvements au poids du corps sous forme de circuit training (crunch suivi de squat, de tractions, de pompes, etc.). L’objectif n’est pas de vous épuiser, donc choisissez l’exercice de votre phase d’échauffement (RAISE) en fonction de votre niveau de forme et de vos capacités. Dans un environnement chaud à très chaud par contre, vous pourrez probablement passer cette étape.

Une fois cette phase terminée, commencez à mobiliser les articulations qui seront sollicitées lors de votre séance d’entraînement (Activate).

Ensuite, pratiquez des étirements dynamiques, éventuellement précédés par des automassages avec un rouleau de massage vibrant ou non (Mobilize).

Enfin progressez en prenant des charges légères, puis de plus en plus lourdes, tout en effectuant votre premier exercice (Potentiate). Encore une fois, gardez à l’esprit que l’objectif n’est pas de vous épuiser, mais de préparer votre corps aux séries à venir, et donc à la charge que vous utiliserez lors du premier exercice de votre séance.

Bonne séance à toutes et à tous!                          

Philippe France, Supernaturo

 

 
 

 

 

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